Vincent, François, Paul et tous les autres ou le refus d’une représentation déraisonnable [1].


Dix années ont fait d’un homme une « affaire ». Par un arrêt rendu fin 2016,[2] la Cour de cassation interroge les limites de la tutelle pour une personne hors d’état d’exprimer sa volonté.

La tutelle passe souvent pour posséder des propriétés merveilleuses qui la rendent active contre à peu près tous les maux. Lorsque l’on ne sait que faire face à la négligence, à l’incurie, à l’impécuniosité ou à la démence, on prône cette panacée. C’est comme autrefois le foie de loup contre la toux, les cataplasmes au pied contre la goutte ou, dans l’imaginaire des bergers des Carpates, l’ail contre les morsures de loup.

Ici, le juge a ordonné une tutelle pour dix ans, désigné l’épouse en qualité de tutrice et un mandataire judiciaire en qualité de subrogé. Les demandeurs au pourvoi reprochaient à l’arrêt confirmatif d’avoir violé quatre textes. L’article 428 du code civil pour commencer, parce qu’ils disaient que, protecteurs naturels de leur fils, ils pouvaient prendre soin lui. Au regard du principe de subsidiarité, la mesure ne s’imposait donc pas. Selon eux, les juges auraient ensuite violé l’article 449, pour avoir désigné l’épouse malgré la cessation de la vie commune. Les juges auraient encore violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, pour défaut de neutralité des protecteurs. La tutrice n’est pas neutre, puisqu’elle se bat pour que les médecins cessent de nourrir et d’hydrater le protégé, « de manière à, en fait, l’affamer jusqu’à la mort ». Et l’association qui gère le service subrogé ne l’est pas non plus puisqu’elle a invité à son assemblée générale le médecin ayant initié la procédure visant à l’arrêt des traitements. Enfin, les juges auraient violé l’article 441 portant sur la durée de la mesure.

La Cour a écarté l’ensemble de ces critiques. Laissant de côté la question de la durée et celle des personnes désignées, nous nous intéresserons aux raisons pour lesquelles une mesure a été jugée nécessaire.

Dans cette décision, la Cour a donné des indications sur les finalités et les modalités de la mesure. Les finalités sont de représenter le majeur dans les différentes procédures le concernant et de respecter son intérêt dans les décisions à prendre. Les modalités sont un exercice sous le contrôle du juge, conformément à l’article 459 du code civil, sans préjudice des dispositions du code de la santé publique.

Sous une apparente simplicité, la réalité est complexe. Cette affaire est une occasion de rappeler la diversité des modes d’expression de la volonté ; de l’écrit, forme donnée à la volonté, à l’écran, représentation de la personne. Il permet aussi d’évoquer l’intrication des règles sanitaires et civilistes (I) et les conditions de représentation de la personne (II).

I.               L’intrication des règles sanitaires et civilistes

La loi du 5 mars 2007 qui a réformé la protection des majeurs n’a pas atteint le code de la santé publique, revisité par le législateur cinq et deux ans auparavant par deux lois relatives aux droits des malades[3]. Pour autant, les règles tutélaires ont une incidence sur les moyens d’anticipation de la volonté (A), bien que la procédure collégiale conserve sa spécificité (B).

A.    L’incidence des règles tutélaires sur les moyens d’anticipation

Si la personne est hors d’état de manifester sa volonté mais qu’elle a pris soin de désigner une personne de confiance[4] ou de rédiger des directives anticipées[5], c’est toujours sa volonté qui s’exprime et qui doit produire effet. La Loi de février 2016[6] a apporté quelques changements pour les majeurs protégés concernant ces deux modes d’expression de la volonté.

Deux situations peuvent être distinguées, selon que la personne a anticipé avant d’être protégée ou l’inverse.

Considérons que la personne avait désigné une personne de confiance ou rédigé des directives avant l’ouverture d’une tutelle. Dans ce cas, la désignation d’une personne de confiance peut être confirmée ou infirmée par le juge. Un point de vigilance a été soulevé par la doctrine, craignant que la révocation de toutes les procurations n’affecte cette désignation. Cela invite à donner au juge toutes informations utiles. Si la personne de confiance est confirmée et que l’intéressé vient à être hors d’état, alors la désignation opère. Avons-nous alors besoin d’une représentation en matière personnelle, la volonté de la personne étant connue grâce à la voix que porte la personne de confiance ? On n’ouvre pas, en France, de tutelle pour tous ceux qui se trouvent hors d’état de manifester leur volonté, si bien qu’ils ne sont pas systématiquement représentés. Faudrait-il l’envisager ?

Pour les directives anticipées, les textes ne prévoient rien pour celles rédigées avant la tutelle. Donc elles s’appliquent. Dans ce cas, on connaît également la volonté de la personne. Si ce qu’elle a indiqué suffit et n’est pas inadapté[7], on peut encore s’interroger sur le besoin de représentation.

Si l’on envisage ces mêmes dispositifs d’anticipation après l’ouverture d’une tutelle, la loi de 2016 a apporté du changement. Désormais, il faut une autorisation du juge pour désigner une personne de confiance comme pour rédiger des directives. Pour cette autorisation, la loi ne donne aucun critère au juge, qui doit s’assurer que le majeur est apte, en fait, à réaliser cet acte. Le juge doit-il aussi savoir quelle personne le majeur veut désigner ? Le texte énonce que le majeur « peut désigner une personne de confiance avec l’autorisation du juge ». S’il peut confirmer ou révoquer la personne désignée avant la mesure, il semble pertinent qu’il sache en qui le majeur entend placer sa confiance. Mais rendra-t-il sa décision en autorisant le majeur à désigner une personne de confiance sans autre précision ou à désigner Untel en qualité de personne de confiance ? Comme pour le mariage, le juge pourrait donner son autorisation en considération de la personne choisie et le majeur devrait présenter lui-même sa requête, une aide matérielle pouvant lui être apportée. Vient ensuite la question de savoir comment la personne de confiance coordonne son action avec celle du tuteur. Elle est la voix du patient, elle rend compte de sa volonté et son témoignage prévaut sur tout autre, y compris celui de la famille ou des proches. Mais elle ne peut se substituer au malade dans la prise de décision, à laquelle elle ne participe pas. Le tuteur lui, le peut. Il est même le seul à pouvoir le faire, à la condition d’y être autorisé par le juge. Ce qu’apporte la personne de confiance peut donc suffire. Est-il, nécessaire, alors, d’autoriser le tuteur à représenter le majeur ?

La rédaction des directives par un majeur sous tutelle requiert maintenant l’autorisation du juge. Depuis la nouvelle loi sur les nouveaux droits[8], le majeur protégé a finalement… moins de droits qu’avant. Le juge vérifie la réalité de son souhait. Si l’autorisation de désigner une personne de confiance peut être rapprochée de celle de se marier, l’autorisation de rédiger des directives peut se rapprocher de celle de rédiger un testament. Le rôle du tuteur est d’informer le protégé sur ses droits et, le cas échéant, de lui apporter une aide pour la requête, avant de s’effacer au temps de la rédaction, faite sans assistance ni représentation.

Depuis 2016, les directives expriment une volonté et s’imposent au médecin qui, s’il veut les écarter, doit recourir à une procédure collégiale.

B.    La spécificité de la procédure collégiale

Le code de la santé publique prévoit trois cas de procédure collégiale. Le premier est le refus d’appliquer les directives, le deuxième est la sédation profonde et continue et le troisième concerne le patient qui n’est plus à même d’exprimer sa volonté. Dans ce dernier cas, en l’absence de directives, la décision de limitation ou d’arrêt de traitements « ne peut être prise qu’à l’issue de la procédure collégiale […] et après qu’a été recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l’un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient ». Le texte précise que, s’agissant d’un mineur ou d’un majeur protégé, « le médecin recueille en outre l’avis des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur »[9].

En 2016, la Cour de cassation a rappelé que les juges du fond avaient indiqué « qu’une mesure de tutelle ou un tuteur […] ne saurait se substituer ou remettre en cause une procédure définie et délimitée par le code de la santé publique, qui relève de la collégialité des médecins ».

Dans la procédure collégiale, le rôle du tuteur est spécialement prévu par le code de la santé publique et ce rôle est de donner un avis. La représentation n’est aucunement prévue. Tous témoignent de la volonté du patient mais pas le tuteur, qui ne donne qu’un « avis ».

Cette situation peut être rapprochée de celle du mineur. Dans une affaire soumise au Conseil d’Etat en mars 2017[10], les parents d’une enfant de dix mois s’opposaient à la décision de débrancher l’appareil qui la maintenait en vie. La décision d’arrêter les traitements avait été suspendue en référé. Faute de pouvoir rechercher la volonté de l’enfant âgée de moins d’un an, le Conseil s’est prononcé sur « l’avis de ses parents » pour dire qu’il « revêt une importance particulière ». Le Conseil a fait référence à l’affaire de Vincent L. et aux principes dégagés pour lui en 2014. Ainsi s’est-il référé pour un mineur à des règles pensées pour des majeurs. En 2014, il avait souhaité que le médecin n’ait pas qu’un point de vue biologique de la situation de Vincent L., pour cette raison que, si l’intéressé avait été en état de faire un choix, il aurait pu souhaiter que l’on mette un terme à sa vie. Le Conseil avait donc exigé que le médecin « accorde une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir, le cas échéant, antérieurement exprimée, quels qu’en soient la forme et le sens »[11], invitant à tenir compte de la volonté, même exprimée autrement que dans des directives. L’embarras du Conseil d’Etat en mars 2017 était de supposer « qu’un enfant en bas âge puisse être considéré comme “hors d’état d’exprimer sa volonté” […] susceptible de faire l’objet de la procédure collégiale […] et d’une décision du médecin prise sur le seul avis de ses parents ». Il est en effet étonnant que des dispositions réglementaires évincent les règles légales de l’autorité parentale.

On ne peut rendre compte de la volonté d’un petit enfant, comme de la volonté de personnes lourdement handicapées depuis toujours ou n’ayant jamais exprimé aucune volonté sur la fin de vie. Lorsque la situation concerne un tout petit enfant ou une personne qui a toujours été hors d’état d’exprimer sa volonté, on ne peut relayer sa volonté pour la bonne raison qu’il n’y en a pas.

Ce qui surprend, c’est que le consentement des parents soit requis pour tout acte médical concernant l’enfant mais que la décision d’arrêt des traitements puisse être prise malgré leur refus. Pareillement, le tuteur est sommé d’autoriser tantôt un arrachage de dents, tantôt une coloscopie, mais il n’autorise ni n’empêche que l’on mette un terme à la vie du majeur. Cela paraît peu cohérent mais, dans les deux cas, le code de la santé publique ne prévoit la représentation ni par les parents, ni par le tuteur. En juin 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré la procédure collégiale conforme à la Constitution[12]. Le médecin décide. Ce n’est donc pas l’épouse, même tutrice, qui a le pouvoir d’agir.

Dans l’affaire de Vincent L., on n’a pas de personne de confiance, on n’a pas de directives anticipées et on n’en aura pas. En revanche, on a une volonté autrement exprimée par le patient, avant son accident, relayée par son épouse.

Sur l’utilité de la tutelle, nous avons un élément de réponse. Dans la procédure collégiale, la tutelle ne sert à rien ou presque : le tuteur n’a qu’un rôle consultatif.

Pourtant, la Cour a jugé la représentation nécessaire pour que les décisions relatives à la personne puissent être prises dans son seul intérêt, sous le contrôle du juge, conformément aux dispositions de l’article 459 du code civil.

II.            La représentation de la personne

Lorsque la protection de la personne est mise en œuvre, elle s’exerce dans le respect des articles 457-1 et suivants du code civil, compris dans une sous-section sur les « effets de la curatelle et de la tutelle quant à la protection de la personne ». Il s’agit d’un régime primaire de protection (A), dont la pratique reste rudimentaire (B).

A.        Un régime primaire

Le corps de règles prévu pour la curatelle et la tutelle s’applique au mandat ordonné dans le cadre d’une sauvegarde[13], au mandat de protection future[14] et à l’habilitation familiale »[15].

Le cœur du droit commun de la protection se trouve dans l’article 459. Son premier alinéa dispose que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ». Il pose le principe fondamental de l’autonomie décisionnelle des personnes protégées, quelle que soit la mesure. En affirmant cette autonomie, le législateur fait primer la capacité naturelle.

L’assistance et la représentation ne sont qu’une possibilité. Elles sont surtout une exception qui nécessite une motivation spéciale du jugement. C’est ce que permet le deuxième alinéa de l’article 459 du code civil, selon lequel « lorsque l’état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge […] peut prévoir qu’elle bénéficiera, pour l’ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d’entre eux qu’il énumère, de l’assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après l’ouverture d’une mesure de tutelle, autoriser le tuteur à représenter l’intéressé ».

Ce dispositif est un travail d’orfèvre. Le constat d’un état permet d’envisager l’assistance, pour certains actes pour tous. Ce n’est qu’en dernier recours et seulement en tutelle que la loi prévoit la représentation pour les actes relatifs à la personne. Même par exception, ce mécanisme est critiqué au regard de la Convention relative aux droits des personnes handicapées adoptée en 2006 par les Nations Unies. Le Défenseur des droits le signale : la décision substituée, c’est mal ![16] Mais, ceci posé, demeure la difficulté des personnes hors d’état de manifester leur volonté. Le Défenseur le reconnaît. Parce qu’elle est nécessaire, la protection « à la française » resterait permise[17], à condition sans doute de bien utiliser toute la palette des solutions.

L’assistance et la représentation ne doivent résulter que de la nécessité, jamais du hasard. Au restaurant, qui veut dîner s’assoit et qui regarde la carte ne s’attend pas à être servi sans avoir commandé.

Le programme de formation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs[18] comprend une réflexion sur les jeux de pouvoir, le risque de substitution et la clarification du positionnement entre représentation et assistance.

Peut-être que la réforme de 2007 est allée trop loin dans les nuances. Peut-être faudrait-il simplifier mais, à trop vouloir simplifier, le législateur en vient parfois à tout compliquer.

Pour les actes graves, souvenons-nous que l’alinéa prévoyant l’autorisation du juge a changé de place dans le code avec une loi « de simplification et de clarification »[19]. Les travaux parlementaires montrent que c’est pour « clarifier la rédaction de l’article 459, en distinguant des autres les dispositions applicables au seul protecteur auquel le juge a expressément confié la mission d’assistance ou de représentation ». Dans l’esprit du législateur, l’autorisation pour les actes graves ne doit donc être demandée que si l’on est déjà autorisé à assister ou à représenter le majeur en matière personnelle et seulement dans ce cas.

La comparaison avec les règles prévues en matière patrimoniale peut avoir une vertu pédagogique. Pour les biens, le tuteur a un pouvoir de représentation. Pour autant, il ne décide seul que pour les actes d’administration. Pour les actes de disposition, il lui faut une autorisation spéciale. En matière personnelle, que le protecteur n’a aucun pouvoir a priori. D’abord, il faut que le juge lui accorde un pouvoir. Et même quand c’est un pouvoir de représentation, le tuteur ne peut passer seul que les actes les moins graves.

Si l’homme augmenté occupe de plus en plus la scène juridique, c’est l’homme diminué qui continue de nous poser les questions essentielles.

B.        Une pratique rudimentaire

Dix ans après la réforme de la protection, on a encore du mal à trouver des jugements conformes à l’article 459. Nombre d’entre eux contiennent une formule qui nie la complexité des textes et la complexité de la vie tout en sabrant le raffinement législatif.

La formule est : « désigne XX, en qualité de tuteur, pour représenter et administrer ses biens et sa personne ». C’est cette formule qui a été utilisée dans le jugement rendu pour Vincent L. La Cour le cite parce que le requérant reproche aux juges d’« avoir désigné l’épouse pour le représenter et administrer ses biens et sa personne ».

Ainsi administre-t-on les personnes. On leur prête ministère, on les a en charge. La formule étonne, tant on a dit que la loi nouvelle devait écarter le gouvernement de la personne, tellement insupportable. Administrer, ce vocable dénote une gestion… impersonnelle. Dès les premières semaines, on ferait l’inventaire, le document individuel de protection, on prendrait la carte bancaire, le chéquier, on inviterait à la désignation d’une personne de confiance, on suggérerait la rédaction de directives anticipées, on arrêterait le budget, on parlerait obsèques et si possible don d’organes, entre trois fruits et deux légumes. Et tout serait consigné, en ordre, afin que tout le monde s’y retrouve, sauf la personne protégée, sans doute oubliée mais parfaitement bien administrée.

En pratique, certains magistrats ont assuré qu’en employant cette formule, ils avaient voulu conférer un pouvoir de représentation. Mais ils n’ont pu expliquer, alors, pourquoi cette même formule figurait dans tous leurs jugements de tutelle, conduisant à une représentation systématique pour les décisions personnelles.

Pourtant, les ordonnances sur requête[20], comme les jugements[21], doivent être motivées. C’est une exigence procédurale fondamentale[22] qui sert à garantir contre l’arbitraire[23], à expliciter le choix des juges, qui permet de savoir pourquoi une décision a été prise et de manifester son désaccord[24]. L’obligation de motivation n’est pas soluble dans la tutelle. Les dispositions applicables à la protection des majeurs ne prévoient pas d’exception à l’obligation de motivation, sauf mesure d’administration judiciaire[25]. Le juge doit motiver sa décision et ne peut se contenter de clauses de style[26]. Les principes directeurs du procès s’appliquent à la protection des majeurs[27], la procédure de droit commun ne se trouve pas éclipsée[28], même si les décisions esquissent peu à peu une théorie de la procédure tutélaire[29], avec des règles hybrides qui laissent au juge un pouvoir important[30].

Le juge doit donc expliquer pourquoi il ouvre une mesure, pourquoi il choisit telle mesure plutôt qu’une autre, et il le fait, en des termes qui restent très généraux. Mais il donne rarement d’indication sur l’autonomie, l’assistance ou la représentation en matière personnelle. Lorsque rien n’est précisé, l’autonomie est a priori maintenue, puisque qu’elle est le principe. Hélas, la croyance reste répandue que le tuteur peut consentir à la place de la personne protégée. C’est là le droit effectif. Une réalité incontestée du droit.

C’est avec espoir que l’on voit progresser les décisions clairement motivées sur la question des pouvoirs. Entre les mains des juges experts, la formule devient « pour la représenter et administrer ses biens et pour l’assister et la contrôler en ce qui concerne sa personne » ou, encore, « l’exercice de la protection de sa personne relevant de son libre arbitre ou devant faire l’objet d’une autorisation préalable du juge conformément aux dispositions de l’article 459 ».

C’est une formule qui a été utilisée par les cours d’appel de Bastia, de Rennes ou de Douai et que l’on trouve maintenant dans des ordonnances, ce qui aide à dissiper les arrêts des Cours d’appel affirmant que le code de la santé publique donne tous pouvoirs au protecteur. S’il est vrai que les règles civilistes n’ont pas «  pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique »[31], la primauté de ce code ne vaut pourtant que pour des actes spéciaux, pour lesquels l’intervention du représentant est prévue.

Surtout, il est capital de rappeler que, si le juge n’a pas donné de pouvoir au protecteur, le protecteur n’a que des devoirs[32]. Si le code de la santé publique donne un rôle aux représentants des mineurs ou des majeurs protégés, c’est encore le code civil et lui seul qui les désigne et qui fonde leurs pouvoirs.

Après l’arrêt de décembre 2016 on sait, mais on le savait avant, que la représentation s’exerce « conformément aux dispositions de l’article 459, sans préjudice des dispositions du code de la santé publique ». Mais c’est hélas ce qui continue de faire difficulté en pratique. Et, sans une articulation entre le code civil et le code de la santé, faussement annoncée pour juillet 2017[33], tout cela ne change rien pour Vincent, ni pour tous les autres.

[1]             Communication donnée au colloque organisé par l’Association Française de Formation et d’Etude des Curatelles et des Tutelles (AFFECT), Les mesures de protection, 30 septembre 2017, Arcachon.

[2]             Civ. 1re, 8 déc. 2016, n° 16-20.298 ; D. 2017. 332, obs. Vialla, note Saulier ; AJ fam. 2017. 68, obs. Raoul-Cormeil ; RTD Civ. 2017 p.97, obs. Hauser; JCP 2016. 70, note Hauser; JCP N 2017.43, note Peterka; Raoul-Cormeil, Conditions et enjeux d’une tutelle ouverte au profit d’une personne en état de conscience minimale, RGDM 2017, n°62, p. 133; Dr. fam. 2017 n°2, p. 52, note Maria; Mauclair, L’époux, un tuteur incontournable, RJPF 2017, n°2, p. 25; Hauser, Arrêt des traitements : pouvoir et représentation, JCP 2017.129.

[3]             L. n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

[4]             Art. L. 1111-6 CSP.

[5]             Art. L. 1111-11 CSP.

[6]             L. n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

[7]             Art. L. 1111-11 CSP, al.3.

[8]             L. n° 2016-87 préc.

[9]             R. 4127-37-2 CSP.

[10]           CE, ord., 8 mars 2017, n° 408146 ; Lebon ; AJDA 2017. 497 ; D. 2017. 574 ; AJ fam. 2017. 218, obs. Dionisi-Peyrusse, Moquet-Anger, Arrêt de traitement d’une personne mineure. Importance de l’avis des titulaires de l’autorité parentale, JCP A 2017 n°30, p.17; Mirkovic, Patient polyhandicapé et obstination déraisonnable, Dr. fam. 2017, n°5, p. 64; Corpart, Le Conseil d’État entend la volonté parentale de reprise des soins contre l’avis du corps médical, RJPF 2017, n°5, p. 15.

[11]           CE, 24 juin 2014, Mme F…I…et autres, n° 375081, 375090, 375091.

[12]           DC n° 2017-632, QPC du 2 juin 2017.

[13]           Art. 437 c. civ.

[14]           Par renvoi de l’article 479 c.civ.

[15]           Art. 494-6 c. civ.

[16]           Défenseur des droits, Protection juridique des majeurs vulnérables, sept. 2016.

[17]           Noguero, Pour la protection à la française des majeurs protégés malgré la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, RDSS 2016.964.

[18]           Arrêté du 2 janvier 2009 relatif à la formation complémentaire préparant aux certificats nationaux de compétence de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de délégué aux prestations familiales.

[19]           L. n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures.

[20]           Art. 495 C. pr. civ.

[21]           Art. 455 C. pr. civ.

[22]           DC 3 nov. 1977, no 77-101 L.

[23]           Ancel, La rédaction de la décision de justice en France, RID comp. 1998. 852.

[24]           Grimaldi, in La Motivation, travaux de l’association Henri Capitant, LGDJ, 2000, p. 2.

[25]           Art. 499 C. pr. civ.

[26]           Civ. 1re, 17 février 2004, n° 02-10.755.

[27]           Civ. 1re, 13 juillet 2004, n° 01-14. 506, D. 2004, IR, p. 2547 ; RTD civ. 2004, 716, obs. Hauser ; AJ fam. 2004. 367, obs. Attuel-Mendes. Fossier, La procédure de placement sous tutelle est soumise aux exigences de la Convention EDH, Dr. fam. n° 5, 2005, comm. 123.

[28]           Cass., 20 juin 2011, avis n° 011 00007P. Civ. 1re, 12 février 2014, n° 13-13. 581, D. 2014. 481.

[29]           Hauser, Procédures : principes généraux et curatelles, RTD civ. 2014. 337.

[30]           Raoul-Cormeil, Nature juridique de la procédure devant le juge des tutelles, AJ fam. 2014. 148.

[31]           Art. 459-1 c. civ.

[32]           D’information et de vigilance, ce qui est déjà une protection de la personne.

[33]           L. n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.