La dignité en protection : où tout commence, où tout finit

Article paru dans la Revue juridique de l’USEK, 19/2020 : La dignité de la personne humaine face aux défis du siècle. Approche comparée (Université Saint-Esprit de Kaslik, Liban, en collaboration avec l’Université Catholique de Lyon).

Dignity in guardianship : where it all begins, where it all ends

Abstract. Human dignity is at the top of all texts that organize the accompaniment or protection of vulnerable people. We do not always agree on its definition and we do not always know how to make it real. In matters of guardianship, however, every accommodation or effort must be done to make the person’s voice heard, both in their life choices and in their participation in society.

La dignité est universelle. Traiter de la dignité en contexte tutélaire, c’est poser la question de savoir si la dignité des personnes protégées est respectée. Cette question ne devrait pas se poser mais la réponse nécessiterait de faire d’abord le point sur ce concept pressuré malgré son manque de netteté. La dignité est-elle ontologique, protégeant inconditionnellement l’humain dans l’homme ou est-elle posturale, contingente selon la tenue, le maintien, la décence. Cette distinction est présentée avec maestria par le philosophe Éric Fiat, qui établit que la conception moderne fait primer le postural sur l’ontologique au prix d’une distorsion de la pensée de Descartes, par une corrélation dangereuse entre la dignité et l’autonomie[1].

Le droit protège les adultes qui souffrent d’une altération de leurs facultés et ne peuvent pourvoir seuls à leurs intérêts. Depuis le code civil de 1804, la protection a été réformée plusieurs fois. Par deux lois d’envergure d’abord, en 1968 pour reprendre, sous l’influence du Doyen Carbonnier, des textes tombés en désuétude et en 2007, pour répondre à l’inflation des mesures[2], sur la recommandation des inspections générales des services judiciaires, des finances et des affaires sociales[3] ; par diverses retouches ensuite, qui ont fini par modifier et le corps et l’esprit du dispositif. Tel un organisme vivant, le dispositif s’est multiplié, divisé. Il a donné naissance à des mesures qui ont entrepris leur propre croissance avant que de poser la question de la mort, inéluctable ou non, de leur mère[4]. Et la mère de toutes les protections en France, c’est l’incapacité. Ainsi prononçait-on, en 1804, l’interdiction des imbéciles, des déments et des furieux. Ils ne pouvaient plus passer aucun acte et un tuteur était nommé pour permettre l’exercice de leurs droits[5]. Celui qui dilapidait ses biens pouvait se trouver pourvu d’un conseil judiciaire sans l’assistance duquel il ne pouvait valablement transiger, emprunter ni, par exemple, aliéner ses biens[6]. Ceux qui ne savaient pas, ne savaient plus agir ou le faisaient de manière jugée irrationnelle se voyaient prescrire un traitement efficace invariablement composé d’incapacité, remède principal à l’hémorragie des capitaux subie par les familles. Car on se souciait peu de la personne de l’incapable, ce que la loi de 1968 a entendu corriger. Depuis, on pourvoit expressément aux intérêts de la personne dont incapacité n’est pas totale : elle peut toujours agir elle-même dans les cas où la loi ou l’usage l’autorise. Si le tuteur représente le majeur dans les actes de la vie civile, on considère du reste que cette représentation ne vaut que pour ses biens, non pour sa personne[7].

En 2007, l’incapacité est jugée incompatible avec la dignité de l’homme, qui postule son autonomie[8]. La protection ne doit plus être subie, elle doit être voulue, a minima acceptée. L’esprit a changé. Sous l’influence de textes européens et internationaux, le législateur a délaissé ce qui pouvait ressortir de la charité pour entrer dans une logique de droits. Ce n’est plus la limitation ou la restriction qui est considérée, compensée par l’incapacité mais ce qui reste, ce qui persiste et signe la personne, avec ses droits, sa volonté et ses préférences. Il ne s’agit plus d’agir pour le bien des personnes vulnérables, à leur place, mais de les soutenir dans les tâches du quotidien et dans leur participation à la vie en société. La tutelle a vécu. Sa condamnation aurait même été annoncée par la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées[9].

En matière de protection comme dans l’accompagnement social ou les soins, le principe du consentement est fondamental : on veut recueillir l’adhésion, la participation, l’accord ou l’assentiment de celui qui, partout, est devenu un usager, sinon un client. Pour autant, sa parole est souvent discréditée, pour son bien, dans son intérêt ou dans celui des tiers, voire celui de la société. La pratique d’exclusion la plus répandue se résume en ce lieu commun : « il est sous tutelle donc ce n’est pas lui qui décide »[10].

L’exclusion est un phénomène qui ne concerne pas que les personnes placées sous un régime de protection. La nécessité d’être logé, nourri, soigné ou blanchi afin d’assurer des conditions de vie digne n’est pas caractéristique de cette population. Du reste, si la majorité des personnes protégées a des ressources modiques et peu ou pas de capital[11], certaines d’entre elles sont aisées, sinon fortunées[12]. Ce qui est spécifique aux majeurs protégés, c’est que l’on ne se limite pas à la disqualification de leur parole et que l’on peut décider avec eux ou pour eux, ce qui se traduit juridiquement par les mécanismes de l’assistance ou de la représentation. Des restrictions de capacité juridique que la pratique amplifie parfois et qui tranchent avec les efforts réalisés et médiatisés pour enrayer la disqualification sociale.

Traiter de la dignité en contexte tutélaire c’est, d’une part, constater que le dispositif de protection juridique est expressément fondé sur la dignité (I) et, d’autre part, se demander si « le droit d’avoir des droits »[13], expression de la dignité, ne finit pas par conduire au renversement de la protection (II).

I. Une protection fondée sur la dignité

Le dispositif français de protection juridique des majeurs a été réformé par une loi du 5 mars 2007[14] qui promeut résolument une nouvelle approche de la personne et la prise en compte de ses droits et de sa volonté. Dans le code civil, au frontispice des dispositions communes aux majeurs protégés figure l’article 415 selon lequel la « protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne ». C’est l’unique occurrence du substantif « dignité » dans la loi de 2007, dans ce bref alinéa. Le Littré précise que l’on disait autrefois alinéa afin d’indiquer qu’il fallait quitter la ligne pour en commencer une autre. Ici, le législateur veut montrer qu’il a bien changé de ligne… directrice. Les travaux parlementaires ne sont pas diserts sur le sujet sauf à dire, par exemple, que cette dimension « n’avait pas été prise en compte, en tant que telle, par la loi du 3 janvier 1968 qui ne l’envisageait qu’à travers des questions spécifiques, comme le mariage ou le divorce du majeur. Désormais, le respect des droits de la personne protégée sera assuré par une délimitation précise de sa sphère d’autonomie. À cette fin, le projet de loi prévoit plusieurs dispositions renforçant la place du majeur dans le processus judiciaire, comme l’obligation de l’auditionner (article 432), et définit les actes qui, parce qu’ils sont par nature personnels, ne peuvent être décidés par aucun représentant (article 458) »[15].

Bien que le majeur à protéger ou protégé semble passif (ce n’est pas lui qui instaure ni lui qui assure la protection), la permanence de sa personne est affirmée aux deux temps de la protection que sont la mise en place (A) et la mise en œuvre (B) de la mesure.

A. Des mesures instaurées dans le respect de la dignité

L’évolution de la société et sa conception de la dignité a rendu inacceptable d’imposer une mesure de protection, a fortiori incapacitante[16]. Ainsi peut-on anticiper par contrat ou par acte unilatéral ou être entendu pour que la mesure soit adaptée et, dans la mesure du possible, acceptée.

Le contrat. Toute personne est désormais invitée à anticiper sa vulnérabilité en concluant un mandat de protection future[17]. Ce contrat permet de charger un tiers de sa représentation en cas de survenance d’une altération des facultés qui provoquerait un besoin de protection[18] sans provoquer d’incapacité. Il est considéré comme la véritable innovation de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Son intérêt est de permettre à la fois le choix de la personne ou des personnes qui assureront la protection et de préciser le contenu de cette protection, dans son étendue (protection des biens et/ou de la personne) et conformément à des choix ou des préférences (préférer rester chez soi, ne pas être séparé d’un compagnon ou garder son chien par exemple).

Sous des influences étrangères[19], européennes[20] ou internationales[21], le législateur français a ainsi admis que la contrainte et l’incapacité ne devaient plus être le seul moyen de protection. Le pouvoir de la volonté, l’autonomie que postule la dignité imposait de pouvoir organiser sa protection par contrat. Protection et incapacité se trouvent dorénavant dissociées : le mandat est conclu alors que la personne est encore saine d’esprit, capable et consentante. Il ne sera pas caduc mais produira son plein effet si le risque envisagé se réalise.

Le but poursuivi par le législateur en 2007 n’a pas été atteint. Le mandat est encore imparfait. Sa publicité n’est pas organisée : on peut le conclure mais sans être sûr qu’il sera effectivement mis en œuvre. La pratique ne s’est pas encore répandue. Au 31 décembre 2016, le nombre de mandats ayant pris effet n’est que de 4 600 pour 730 000 mesures de protection au total[22], ce qui conduit les instances de l’ONU à regretter une trop faible sensibilisation de l’opinion publique et à recommander expressément le développement de ce mandat. En 2019, le législateur a renforcé le mandat en prévoyant sa primauté sur toute autre mesure, y compris les règles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et celles relatives aux régimes matrimoniaux[23]. Il n’est pas encore dans les mœurs d’anticiper sa protection par contrat et ce récent toilettage ne suffira pas à faire évoluer la situation. Il est possible de faire échec à l’incapacité et d’imposer certains de ses choix mais les mesures traditionnelles se maintiennent.

La désignation. Faute de mandat de protection future ou de droit commun, faute de secours matrimonial, une mesure peut être ordonnée par le juge des tutelles[24]. Pour la curatelle et la tutelle, organisant respectivement une assistance et une représentation en matière patrimoniale, toute personne peut désigner par avance la personne chargée de sa protection[25]. Cette désignation est faite simplement, soit devant notaire soit par acte sous seing privé[26]. Son intérêt est de faire échec à l’application des règles légales de désignation imposant d’abord la famille, puis des proches et, enfin, un protecteur professionnel (mandataire judiciaire à la protection des majeurs). On choisit, donc, mais on élimine, aussi. Cette faculté permet de choisir son protecteur mais, pour le contenu, on s’en remet à la loi et on n’écarte pas l’incapacité qui résulte de la curatelle ou de la tutelle.

Le juge peut écarter la désignation, comme il pourrait écarter un mandat de protection future, écarter la volonté, donc, si les intérêts n’étaient pas suffisamment assurés. Cet outil souffre lui aussi de sa méconnaissance et de son absence de publicité.

L’audition. La dignité impose l’audition de la personne à protéger. Le Défenseur des droits a pris soin de le rappeler : « l’audition apparaît comme un acte procédural déterminant, qui respecte l’autonomie et la dignité de la personne. Cela constitue un droit fondamental »[27]. La loi[28] pose le principe de l’audition en prévoyant des exceptions mais la pratique inverse ce rapport. Il est prévu que le juge statue, la personne entendue ou appelée. Mais il est prévu également que l’audition peut être écartée si elle est de nature à porter atteinte à la santé de l’intéressé ou s’il est hors d’état d’exprimer sa volonté. Un avis médical doit être rendu et le juge doit motiver spécialement sa décision pour écarter l’audition. Ce qui semble exigeant ne suffit pas à endiguer le flot des ordonnances de non-audition. Faute de temps, lorsque la situation ne paraît pas, a priori, faire difficulté, on se dispense de rencontrer la personne protégée. Cette pratique est surtout constatée pour le renouvellement des mesures. Le Défenseur des droits l’a dénoncée et plaide pour une limitation au seul cas de risque pour la santé, soulignant la nécessité de former les médecins et les juges afin qu’ils intègrent le caractère exceptionnel de la dispense d’audition.

Lorsqu’il n’y a pas eu de désignation anticipée, le juge suit un ordre de priorité pour la désignation du curateur ou du tuteur[29]. Le principe est celui de la priorité familiale, appelant d’abord le conjoint, le partenaire de PACS ou le concubin. A défaut un parent, un allié, une personne résidant avec le majeur ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. Si l’environnement ne permet pas cette désignation, un professionnel est désigné. Les préférences de la personne protégée ne sont pas ignorées pour autant. Le texte prévoit que le juge « prend en considération » les sentiments qu’elle exprime et ses relations habituelles ; ce qu’elle veut et ce qu’elle fait : ses préférences et ses habitudes. La désignation n’est pas, ne doit donc pas être un acte purement technique et ignorant de la personne concernée.

On relèvera au passage que dans le cadre de l’habilitation familiale, mesure ayant récemment rejoint l’arsenal de la protection juridique, le juge se prononce sur le choix du protecteur au regard de sa conformité « aux intérêts patrimoniaux et, le cas échéant, personnels de l’intéressé »[30]. Cela peut s’expliquer par le fait que l’habilitation était initialement prévue pour les seules personnes hors d’état d’exprimer leur volonté. Malgré cela, la texte reste discutable. La personne a pu exprimer antérieurement une volonté, dont un écrit ou un proche peut encore rendre compte. En droit médical, lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin doit consulter la personne de confiance ou la famille ou, à défaut, un proche. La personne de confiance témoigne de ce que la personne aurait souhaité, de ce qu’elle a pu exprimer par le passé. Ce régime serait aisément transposable au cas du majeur protégé hors d’état d’exprimer ses sentiments.

Cet exemple est intéressant en ce qu’il permet de déployer l’utilité du recours aux grands principes, aux droits et libertés et à la dignité. En effet, s’il n’existe pas de règle spéciale prévoyant la recherche de la volonté de la personne protégée pour le choix de la personne habilitée, on peut se tourner vers les règles générales. L’article 415 du code civil figure parmi les dispositions communes. La dignité est-elle respectée si la désignation se fait sans considération des sentiments de la personne protégée ?

Parce que la personne n’est pas une chose, elle doit être respectée dans ses émotions, ses craintes, ses valeurs : sa volonté, ses préférences ou ses choix selon les termes de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.

B. Des mesures assurées dans le respect de la dignité

Un examen rapide de la loi montre la dignité comme une incantation. Elle peut néanmoins apparaître comme un concept fonctionnel, affirmant à la fois la primauté de la personne et sa singularité.

De l’idéal. Dans le domaine de la protection, la dignité est un principe sans contenu précisément défini. Parmi les arrêts rendus par la Cour de cassation comprenant à la fois l’expression « majeur protégé » et le mot « dignité », la plupart se contentent de rappeler le principe. La dignité apparaît dans les motifs de la décision : « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier, dans le respect de ses droits fondamentaux et de la dignité de sa personne, d’une mesure de protection tant de sa personne que de ses intérêts patrimoniaux, ou de l’un des deux »[31]. Ou bien ce sont les juges du fond qui visent la dignité, de façon tout aussi générale, pour se prononcer sur le principe de la mesure de protection[32] ou pour justifier le dessaisissement[33]. Parfois, c’est le demandeur qui invoque la dignité, sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, pour contester –vainement- le dessaisissement du tuteur familial au profit d’un professionnel[34]. Il peut même invoquer la dignité des parents pour faire échec à la règle procédurale fermant la voie de la tierce opposition à ceux qui peuvent interjeter appel[35]. Une décision montre le constat par les juges du fond que les soins ont été données à la personne protégée dans le respect et la dignité[36]. Dans une autre, il est jugé que la protection est une question de dignité et de respect de la personne autant que de la propriété. Cette décision est intéressante en ce que la juridiction et le demandeur ont chacun appréhendé la notion de dignité, les juges faisant primer la protection sur les souhaits invoqués par le demandeur[37]. Quatre sources sont invoquées ici au soutien de la dignité : le code civil, le code de la santé publique, le préambule de la Constitution de 1946 et la Convention européenne des droits de l’homme. Pour la Cour de cassation, la volonté peut céder devant l’intérêt, dès lors que le juge satisfait à son obligation de motivation. La dignité sert tantôt à justifier la mesure, sur le fondement de l’article 415 du Code civil notamment, tantôt à peser l’intérêt de la personne protégée, sur le fondement du même article[38].

Vers le concret. Le dernier arrêt recensé lors de la consultation a été rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation[39]. Cette décision prononce une condamnation pour soumission d’une personne vulnérable à des conditions de travail et d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine : travail non rémunéré, insultes, coups, moqueries, brimades… L’infraction de vise pas à protéger spécifiquement les personnes protégées. Il est cependant intéressant de noter que, depuis 1992, le code pénal a enrichi le contenu de la dignité en lui consacrant un chapitre. Sont des atteintes à la dignité : la discrimination, la traite des êtres humains, la dissimulation forcée du visage, le proxénétisme, le recours à la prostitution, l’exploitation de la mendicité ou de la vente à la sauvette, les conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité de la personne, du travail forcé et de la réduction en servitude et le bizutage. La jurisprudence pénale n’utilise pas la dignité comme source normative mais cherche à qualifier l’atteinte à la dignité. Parfois, la dignité est un élément de l’infraction[40] et parfois, elle est liée à la vulnérabilité de la victime. Lorsque la vulnérabilité est un élément constitutif de l’infraction, elle marque fortement la volonté de protection de la dignité[41]. Dans les articles 225-13 ou 225-14, il faut mais il suffit que la vulnérabilité soit apparente ou connue de l’auteur, point n’est besoin d’en abuser.

En 1994, le Conseil constitutionnel a jugé que la dignité s’opposait à toute forme d’asservissement et de dégradation. Parce que le majeur protégé est une personne, il ne peut être traité ni comme une chose, ni comme un animal. La dignité s’oppose à ce que l’on exerce sur lui les attributs de la propriété. Le majeur protégé a conscience de lui-même, est doué de raison et dispose de la liberté[42]. Il ne faut toutefois pas se contenter d’une liberté illusoire. La personne est aussi soumise à des lois nécessaires. Elle doit pouvoir se loger, se nourrir, être soignée. Autant de droits qui sont les droits de tous mais dont l’effectivité peut se trouver menacée en contexte de protection. C’est pourquoi il faut veiller particulièrement à leur respect. C’est ce que souligne le Défenseur des droits, prenant appui sur la Convention internationale des droits des personnes handicapées, exigeant que les majeurs protégés aient la maîtrise de leur vie quotidienne, comme tout le monde : qu’ils puissent disposer d’un téléphone mobile, recevoir des soins ou avoir sur eux de l’argent liquide[43].

La remise d’argent est révélatrice. La terminologie (« argent de poche », « supplément ») est jugée infantilisante par les professionnels. Un rapport du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge sur les maltraitances financières signale que des personnes n’ont pas accès à leur argent, spécialement en établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD). Ceci peut se vérifier aussi dans les établissements accueillant des personnes handicapées. Parmi les propositions du Haut conseil, l’une (« Argent de poche et dignité ») est « d’engager de façon urgente une réflexion décisionnelle sur la place de l’argent de poche en tant qu’outil transitionnel nécessaire pour la citoyenneté et la dignité en institution », « d’examiner la question de la dignité de l’aîné confronté à la gestion par autrui de son argent de poche, maltraitance banale, ordinaire, mais ô combien insidieuse »[44].

Au plan patrimonial, la dignité est aussi en jeu pour la remise des comptes. Ne pas remettre le compte au motif que la personne ne peut les comprendre ou les remettre sans explication adaptée porte atteinte à la dignité en ce sens que l’on ne tient pas compte de la capacité naturelle de la personne. Elle peut aussi s’intéresser à ses comptes, malgré les difficultés de compréhension. La remise des comptes est un droit du majeur protégé qui contribue à le reconnaît en tant que personne, partie prenante : elle est « un marqueur de dignité »[45].

Parce que le majeur protégé est une personne, sa dignité et, à travers lui, la dignité de tout homme, doit être respectée. Parce qu’il est cette personne, les mesures prises à son égard doivent être proportionnées et individualisées[46], l’information doit lui être délivrée selon des modalités adaptées à son état[47] et, plus largement, ce sont les prestations, la prise en charge et l’accompagnement qui doivent être adaptés[48].

Parce qu’il est cette personne, certaines décisions ne peuvent être prises pour lui : elles exigent un consentement strictement personnel[49]. Pour ces décisions, le majeur ne peut être ni assisté ni représenté. Il peut seulement bénéficier d’une aide technique[50].

Pour les autres décisions[51], le principe est celui de l’autonomie décisionnelle. La personne protégée prend seule ses décisions tant que son état le permet[52]. Lorsque son état ne le permet pas, il ne s’agit pas de nier sa vulnérabilité mais d’apporter le soutien nécessaire. Le juge doit constater ce qui justifie ce soutien et rendre une décision motivée pour prévoir que le majeur bénéficiera d’une assistance, pour certains actes ou pour tous ou autoriser le protecteur à représenter la personne. La représentation en matière personnelle est difficile à concevoir et à accepter. Elle peut se justifier dans des cas extrêmes, lorsque la personne est plongée dans le coma par exemple. Le Défenseur des droits, dans son rapport de 2016, admet le recours à la représentation dans ce cas mais dans ce cas seulement. Il se trouve que les mesures prononcées restent (trop) massivement des tutelles, mesures les plus incapacitantes et permettant la représentation en matière personnelle, c’est-à-dire la possibilité d’une prise de décisions « substitutive ». La loi n’est pas a priori attentatoire à la dignité, mais la pratique peut l’être.

La dignité est l’expression de l’humain dans l’homme : à la fois unité et diversité. Diversité du parcours de vie, complexité de la personne, corps et âme à la fois, avec des besoins matériels et spirituels, aussi importants les uns que les autres. La finalité d’une mesure de protection est l’intérêt et l’autonomie de la personne protégée. Dans la limite de ses pouvoirs, le protecteur s’assurera de la préservation des intérêts. Il respectera les droit et libertés, il respectera la dignité du protégé et devra veiller à son respect par les tiers. C’est là une vision assez réductrice, statique, de la protection. Parce que le majeur protégé est une personne, il a des besoins dont la satisfaction doit être assurée, ce à quoi le protecteur veille. Son rôle peut d’ailleurs ne se limiter qu’à une vigilance ou du conseil. Les besoins physiologiques doivent être satisfaits mais pas seulement. Qu’est-ce qui fait sens pour cette personne ?

La singularité de la personne vulnérable impose des devoirs à ceux qui la protègent. Et en même temps, ce qui unit cette personne aux autres compte autant que ce qui l’en distingue, si bien que c’est parfois le collectif qui rend sa dignité à l’individu.

II. Une protection renversée par la dignité

L’évolution du droit de la protection des majeurs se poursuit sous l’influence de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Cette convention porte un regard nouveau sur les personnes en situation de handicap. Loin d’être objets d’une assistance accordée par une société charitable, elles sont sujets de droits accordés également à tous. Les Etats doivent prendre toutes mesures concrètes pour lever les freins à l’autonomie (A) et permettre la conquête de la citoyenneté (B).

A. Lever les freins à l’autonomie

La condamnation de la tutelle. L’article 12 de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées dispose que « les États Parties reconnaissent que les personnes handicapées jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres ». Interprétant ce texte à la lumière des principes généraux de la Convention, notamment le respect de la dignité intrinsèque[53], la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées en a tiré les conséquences : « la France doit revoir d’urgence sa législation en vue de supprimer les régimes de prise de décisions substitutives et de garantir l’accès de toutes les personnes handicapées à des systèmes de prise de décision accompagnée, quel que soit le niveau d’aide dont ces personnes pourraient avoir besoin pour prendre des décisions éclairées ». La protection juridique « à la française »[54] n’est pourtant pas si brutale qu’il n’y paraît et les projets de réforme, sans résoudre toutes les difficultés, s’inscrivent dans son prolongement plus qu’ils ne créent une rupture.

La loi française énonce clairement les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité qui conduisent ensemble à toujours faire le choix du moindre mal, si l’on veut considérer que l’incapacité en est un. Selon les textes, une tutelle n’est prononcée « que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante »[55]. Dans cette hypothèse, la personne n’a pas anticipé, n’a pas donné procuration, n’est pas mariée, n’a pas de famille assez unie pour ouvrir une mesure familiale qui n’emporterait d’incapacité que dans le champ des pouvoirs confiés à la personne habilitée. En pratique, trop de tutelles sont prononcées : ce n’est pas la loi qui est en cause, c’est son application.

En matière patrimoniale, le majeur en tutelle est représenté par son tuteur. La loi le dit, l’éthique incite à l’associer aux décisions, ce que rappellent les recommandations de bonnes pratiques, ce qui rappelle l’association du mineur aux décisions qui le concernent. Sauf que, pour le mineur, la loi l’impose[56]. Le majeur n’est pas un mineur, la loi de 2007 a fait disparaître les renvois malheureux de la loi de 1968. Une disposition expresse prévoyant l’association du majeur aux décisions patrimoniales ne serait peut-être pas superflue : cela irait mieux en le disant.

En matière personnelle, la décision substitutive est une solution de dernier recours. La représentation n’est possible qu’en tutelle ou en habilitation familiale et seulement « si l’état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée » et que l’assistance ne suffit pas[57]. Le Défenseur des droits admet d’ailleurs le maintien de la décision substitutive comme « mesure d’exception destinée à répondre aux seules situations dans lesquelles la personne concernée est totalement dans l’incapacité d’exprimer sa volonté et ses préférences », reconnaissant que « la question reste entière pour ce qui concerne les situations dans lesquelles une personne, même accompagnée, serait dans l’incapacité totale d’exprimer sa volonté ou ses préférences (ex : coma, démence sénile) et ne pourrait donc exercer ses droits »[58].

Il n’y a pas d’incompatibilité entre l’esprit de la convention et celui de la loi française. Les abus sont à rechercher du côté de la pratique. C’est une réponse contestable, sinon cautère sur jambe de bois, que de vouloir changer la loi parce qu’elle n’est pas connue, non assimilée ou mal comprise. Une appropriation du texte en vigueur, respectueuse des grands principes, et par conséquent de la dignité des personnes protégées, serait suffisante.

Mais il semble que l’on s’oriente vers une mesure unique[59], comme dans la loi belge de 2013 réformant les régimes d’incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine, qui oblige le juge à personnaliser la mesure.

La loi ne peut résoudre ce qui est affaire d’hommes et appelle la réflexion éthique, à même de donner corps à la dignité, d’en faire un concept opérationnel susceptible de réguler les pratiques.

La suppression du régime d’autorisation. En 2019, la loi éloigne le juge de la tutelle et le rebaptise « juge des contentieux de la protection ». Il est mis en retrait et n’autorise plus certaines décisions, tant en matière patrimoniale (acceptation pure et simple de succession ou conclusion d’un contrat obsèques par exemple) qu’en matière personnelle ; dans ce champ, c’est surtout l’ouverture du mariage qui a occupé la scène médiatique, au nom des droits fondamentaux, de l’égalité et de la non-discrimination. Un régime d’opposition remplace le régime d’autorisation. Il n’est pas certain qu’il soit satisfaisant (dans sa mise en œuvre ou au regard de son coût) et il n’est pas certain qu’il soit plus digne pour la personne d’occulter ses difficultés. La dignité commanderait peut-être davantage d’accepter la personne « telle qu’elle est sans en dissimuler les faiblesses, en la défendant contre elle-même et les tiers »[60] On peut regretter une confusion entre personnes handicapées et personnes protégées. Si les personnes protégées répondent à la définition des personnes handicapées, toutes les personnes handicapées ne sont pas des personnes protégées. Au nom de toutes celles qui peuvent agir, si besoin avec un appui, on prive les autres d’une protection nécessaire. Le patrimoine est sauf, disent les parlementaires. Hélas, la personne pourrait ne pas sortir indemne d’un abus dont la société a longtemps pensé devoir la protéger, avec l’approbation du Conseil constitutionnel[61] et de la Cour européenne[62].

B. Conquérir la citoyenneté

La vie humaine ne peut exister « sans un monde qui, directement ou indirectement, témoigne de la présence d’autres êtres humains ». Celui que le groupe éduque et soutient a une plus grande conscience de sa dignité et peut mieux la préserver.

Le majeur protégé-usager. En réformant l’activité de protecteur professionnel, la loi de 2007 l’a rattachée au code de l’action sociale et des familles. Les services qui exercent à titre habituel des mesures de protection sont ainsi devenus des services sociaux[63] et, comme tels, doivent élaborer un certain nombre de documents, se soumettre à des démarches d’évaluation et organiser la participation des personnes protégées.

La participation des usagers vise à donner aux personnes accueillies une place et un rôle de sujet, adulte et actif dans le fonctionnement de la structure. C’est là une dimension collective de l’accompagnement auquel la prise en charge, passive, a cédé le pas. La loi du 2 janvier 2002[64] applicable ici prévoit l’association des bénéficiaires au fonctionnement de l’établissement ou du service. L’accent a été mis sur les usagers plus que sur les familles et les personnels qui composaient auparavant avec eux ce que l’on nommait les conseils d’établissement. Il s’agit de l’une des modalités d’exercice des droits fondamentaux. Parce qu’il n’est pas toujours pertinent de créer une instance telle qu’un conseil de la vie sociale, d’autres modalités de participation sont permises.

C’est le cas dans les services de protection des majeurs. Le code de l’action sociale et des familles prévoit, pour garantir l’exercice effectif des droits des usagers[65], que la participation peut s’exercer par l’institution de groupes d’expression, l’organisation de consultations ou la mise en œuvre d’enquêtes de satisfaction[66]. Le niveau de participation peut être modulé selon les objectifs et aller de l’information à la codécision[67].

Cette participation permet l’expression des personnes protégées sur ce qu’elles apprécient ou déplorent dans le fonctionnement du service, en vue d’améliorer la qualité du suivi.

Le lien social valorise surtout l’autonomie, opérant comme un facteur de protection et de reconnaissance, ce qui constitue l’identité et aide à l’existence[68] en qualité de personne et de citoyen, œuvrant à un intérêt dépassant la somme des intérêts individuels.

Le majeur protégé-citoyen. D’abord, le code électoral a empêché que les majeurs en tutelle soient inscrits sur les listes électorales, de façon générale et absolue[69]. On peut s’en étonner, ce droit n’étant pas lié au patrimoine mais à la personne – qui ne sera prise en compte expressément qu’à partir de la loi de 2007-[70]. Le lien entre droits civils et politiques est fait de manière critiquable. En 2005, la règle est assouplie, le juge peut autoriser le majeur en tutelle à voter. Cela laisse entière la question de la justification du lien entre droits civils et droits politiques, et criant le manque de critère scientifique (pour le médecin) ou de décision (pour le juge). Les médecins se prononcent mécaniquement dans le sens de la suppression du droit de vote et les juges l’ordonnent dans 83% des cas[71], sans motivation ou après avoir improvisé des interrogations[72]. Depuis 2007, la privation du droit de vote ne pouvait intervenir qu’en cas d’ouverture d’une tutelle [73] et dans le cadre d’une décision individualisée, conformément à la jurisprudence européenne [74].

En 2019, la loi a mis fin à cette discrimination en abrogeant l’article L.5 du code électoral, après une annonce du président de la République, elle-même inspirée par une revendication des représentants des personnes en situation de handicap, une injonction de la Rapporteuse de l’ONU[75] et une suggestion du rapport de 2018[76]. Cette avancée à peu de frais ne fait pas courir de risque aux personnes protégées qui voteront si elles le veulent et si elles le peuvent matériellement, ce qui suppose accessibilité et accompagnement[77] pour une dignité concrète et non plus fantasmée. Elle laisse en revanche perplexe quant à la cohérence juridique de l’ensemble, qui néglige encore la question de l’éligibilité[78].

C’est peut-être par le collectif que l’individu a une meilleure chance de (re-) trouver sa place dans la société, s’autorisant à prendre la parole et étant entendu des autres. On a placé la personne au centre et c’est le collectif qui lui rend sa dignité.

23 juin 2019.


[1] E. FIAT, Grandeurs et misères des hommes, Petit traité de dignité, Larousse, 2010.

[2] Et par suite à leur coût croissant pour les finances publiques.

[3] Rapport de l’Inspection générale des finances, de l’Inspection générale des services judiciaires et de l’Inspection générale des affaires sociales sur le fonctionnement du dispositif de protection des majeurs, juillet 1998.

[4] Depuis 2015, le dispositif français de protection juridique des majeurs comprend au total sept types de mesures : deux mesures d’accompagnement (accompagnement social personnalisé et accompagnement judiciaire) et cinq mesures de protection (au sens strict) : le mandat de protection future, la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et l’habilitation familiale. Diverses modulations offrent des possibilités sous-exploitées et le dispositif est souvent réduit à sa vision simpliste sous l’appellation générique de « tutelle ».

[5] Balzac en donne une illustration dans L’interdiction, roman paru en 1836.

[6] G. MACE, Baudelaire, Buchet/Chastel, 2017.

[7] E. PAILLET, « La dignité de la personne majeure protégée », Ethique, droit et dignité de la personne, Mélanges Ch. Bolze, Economica, 1999, p. 283.

[8] Ibid.

[9] Adoptée le 13 décembre 2006 au Siège de l’Organisation des Nations Unies à New York, ratifiée par la France en 2010.

[10] Parole de la responsable du service de gestion locative d’un office public d’habitat à propos d’une personne sous tutelle qui ne voulait pas quitter son logement pour entrer en maison de retraite.

[11] Près de la moitié ont des ressources se situant au-dessous du seuil de pauvreté (soit 10 080 €/an). Source : ANCREAI, « Etude relative à la population des majeurs protégés », < http://ancreai.org/etudes/etude-relative-a-la-population-des-majeurs-proteges-profils-parcours-et-evolutions/>; 12% des personnes suivies par les services des associations familiales sont propriétaires de leur logement, 5% n’ont aucun patrimoine financier et 50% ont un patrimoine financier inférieur à 10 770 €, selon le rapport 2016 de l’Observatoire national des populations majeures protégées dans les UDAF < https://www.unaf.fr/IMG/pdf/onpmp_no2-rapport_2016.pdf>.

[12] Le Monde, La justice confirme la mise sous tutelle de Liliane Bettencourt, 18 janvier 2012 ; Le Figaro, La patronne du Negresco sous tutelle, 21 mars 2013.

[13] H. ARENDT, Les origines du totalitarisme, Fayard, vol. 2, 1982.

[14] L. n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, JORF n°56 du 7 mars 2007, p. 4325.

[15] H. DE RICHEMONT, Rapport n° 212 (2006-2007), fait au nom de la commission des lois, Sénat, 7 février 2007.

[16] N. MOLFESSIS, « La dignité de la personne humaine en droit civil », in M.-L. PAVIA et T. REVET, La dignité de la personne humaine, Economica, 1999, p. 116, cité par M. MERCAT-BRUNS, « Comment repenser la capacité de la personne majeure vulnérable ? Perspectives transatlantiques au croisement du droit civil et du droit social », RDSS 2018. 31.

[17] C. civ., art. 477 et s.

[18] Les parents d’un enfant majeur qui en assument la charge matérielle et affective peuvent également organiser sa représentation grâce à cet instrument.

[19] Angleterre, Pays de Galles depuis la loi de 1985 sur les mandats permanents et surtout le mandat québécois en prévision de l’inaptitude (C. c. Q., art. 2131).

[20] Conseil de l’Europe, comité des ministres, recommandation n° R (99) 4[1] du comité des ministres aux Etats membres sur les principes concernant la protection juridique des majeurs incapables.

[21] Conférence de La Haye de droit international privé, Convention du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes.

[22] Selon les chiffres communiqués par la Direction des affaires civiles et du sceau au 31 déc. 2016.

[23] L. n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte 2.

[24] En application de la loi du 23 mars 2019, ce juge changera d’appellation et deviendra le juge des contentieux de la protection. Ce qui montre la volonté de le mettre en retrait et de ne lui laisser qu’un rôle résiduel, bien éloigné des vues de la loi de 1964 qui voyait en lui le pivot d’un service public de la protection, un acteur de proximité assurant le suivi des mesures et ne refermant pas le dossier après avoir tranché un litige. Le juge ordonne est celui qui ordonne et contraint, mais il est aussi celui qui veille au respect des droits et des libertés.

[25] C. civ., art. 448.

[26] CPC, art. 1255.

[27] Défenseur des droits, Protection juridique des majeurs vulnérables, rapp. sept. 2016, < https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2016/09/protection-juridique-des-majeurs-vulnerables>

[28] C. civ., art. 432.

[29] C. civ., art. 449.

[30] C. civ., art. 495-5.

[31] Cass. civ. 1re, 3 avr. 2019, n°18-14880, inédit ; Cass. civ. 1re, 6 mars 2019, n°18-13854, inédit ; Cass. civ. 1re, 19 déc. 2018, n°18-10582 ; Cass. civ. 1re, 8 mars 2017, inédit.

[32] Cass. civ. 1re, 12 févr. 2014, n° 12-35036, inédit ; Cass. civ. 1re, 23 oct. 2013, n° 11-28113, inédit ; Cass. civ. 1re, 11 sept. 2013, n° 12-23742, inédit.

[33] Cass. civ. 1re, 20 nov. 2013, n° 12-29474, Bull. civ., I, n° 226.

[34] Cass. civ. 1re, 28 mai 2014, n°12-28971, inédit.

[35] Cass. civ. 1re, 14 mai 2014, n°12-35035Bull. civ. I, n° 92, D. 2014. 1152 ; AJ fam. 2014, 436, obs. T. VERHEYDE ; RTD civ. 2014, 622, obs. J. HAUSER.

[36] Cass. civ. 2e, 3 sept. 2015, n°14-18457, inédit.

[37] Cass. civ. 1re, 7 nov. 2012, n° 11-17311, inédit, RTD civ. 2013. 89, obs. HAUSER ; D. 2013. 2196, obs. J.-J. LEMOULAND, D. NOGUERO et J.-M. PLAZY.

[38] Ce qui est le cas avec Cass. civ. 1re, 27 févr. 2013, n° 11-28.307, Bull. civ., I, n° 25.

[39] Cass. crim., 15 juin 2010, n° 09-83185, inédit.

[40] C. pén., art. 222-33-2.

[41] D. VIRIOT-BARRIAL, Rép. pén. Dalloz, V° « Dignité de la personne humaine », juin 2014.

[42] La liberté est ce qui distingue l’homme de l’animal selon J.-J. ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1754.

[43] Le Défenseur des droits combine trois articles de la Convention relative aux droits des personnes handicapées: les articles 3, 12 et 19.

[44] A. KOSKAS, Les maltraitances financières à l’égard des personnes âgées : un fléau silencieux, Rapport pour le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, sept. 2017.

[45] D. POLLET, « L’obligation de remise annuelle du compte de gestion au majeur protégé », AJ fam. 2014. 362.

[46] C. civ., art. 428.

[47] En matière personnelle, l’article 457-1 du code civil le précise.

[48] CASF, art. L. 311-3.

[49] C. civ., art. 458.

[50] Le tuteur peut par exemple l’aider à rédiger une requête, non la rédiger pour lui et encore moins la signer pour son compte. La Cour de cassation a jugé en ce sens à propos du mariage lorsqu’il était encore soumis à autorisation (Civ. 1re, 2 déc. 2015, n° 14-25.777).

[51] Dites « simplement personnelles ».

[52] C. civ., art. 459.

[53] Comité des droits des personnes handicapées, Observation générale sur l’article 12 de la Convention, relatif à la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité, CRPD/C/11/4.

[54] L’expression est de D. NOGUERO, « Pour la protection à la française des majeurs protégés malgré la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées », RDSS 2016. 964.

[55] C. civ., art. 440.

[56] C. civ., art. 371-1.

[57] C. civ., art. 459.

[58] Défenseur des droits, Protection juridique des majeurs vulnérables, sept. 2016.

[59] A. CARON-DEGLISE, Rapport de mission interministérielle. L’évolution de la protection juridique des personnes, sept. 2018.

[60] Ph. MALAURIE, Réforme de la protection juridique des majeurs, Defrénois 30 avr. 2007, p. 557.

[61] C. constit., 29 juin 2012, 2012-260 QPC.

[62] CEDH, Delecolle c. France, req. n° 37646/13.

[63] CASF, art. L. 312-1.

[64] L. n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, JORF 3 janv. 2002, p. 124.

[65] CASF, art. L. 471-8.

[66] CASF, art. D.471-12.

[67] ANESM, Participation des personnes protégées dans la mise en œuvre des mesures de protection juridique, Recommandation de bonnes pratiques professionnelles, 2012 ; R. JANVIER, Y. MATHO, Comprendre la participation des usagers dans les organisations sociales et médico‐ sociales, DUNOD, 2011.

[68] S. PAUGAM, Le lien social, PUF, Que sais-je ? n° 3780, p. 63.

[69] L. n°69-419 du 10 mai 1969 modifiant certaines dispositions du code électoral, JORF du 11 mai 1969, p. 4723.

[70] J. BERNARD, Handicap mental et autonomie juridique : de la protection à l’émancipation, thèse en droit, Université de Lorraine, 2013.

[71] A. CARON-DEGLISE, Rapport de mission interministérielle. L’évolution de la protection juridique des personnes, sept. 2018.

[72] J. HAUSER, « Personnalité du majeur protégé : relations sexuelles et droit de vote », RTD civ. 2013. 91 : « M. Verheyde explique que le juge fait souvent passer un petit test sur ce point avant d’ouvrir la tutelle et note, non sans humour, que bien des citoyens non protégés ne seraient pas toujours en état d’y répondre ! »

[73] Art. L. 5 C. élect., dans sa rédaction issue de la loi n° 2007‑308 du 5 mars 2007 : « lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ».

[74] Alajos Kiss c. Hongrie (33), 20 mai 2010, req. n° 38832/06. [En ligne] Disponible sur http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-99159#{%22itemid%22:[%22001-99159%22]}

[75] Rapport 2019 de l’ONU sur les droits des personnes handicapées.

[76] A. CARON-DEGLISE, Rapport de mission interministérielle. L’évolution de la protection juridique des personnes, sept. 2018.

[77] « À quoi sert une chanson si elle est désarmée ? », à quoi sert un droit, si on ne peut l’exercer ?

[78] Pour une lecture éclairante et critique, v. D. NOGUERO, « Élection, droit de vote, droits fondamentaux et majeurs protégés. Hommage à un juge des tutelles humaniste », in La vie privée de la personne protégée, In memoriam Thierry Verheyde, Mare & Martin, 2019 ; « Addendum Vote et majeurs protégés, mars 2019 » <http://www.davidnoguero.com/wp-content/uploads/2016/01/Addendum-Vote-et-majeurs-prot%C3%A9g%C3%A9s-fin-mars-2019.pdf>