Soins sans consentement, droits fondamentaux et protection juridique des majeurs

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a publié un rapport intitulé « Soins sans consentement et droits fondamentaux » https://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2020/06/Rapport-soins-sans-consentement-et-droits-fondamentaux_web.pdf, paru aux éditions Dalloz le 17 juin 2020. https://www.boutique-dalloz.fr/soins-sans-consentement-et-droits-fondamentaux-p.html .

La figure du mandataire judiciaire est évoquée dans ce rapport car de nombreuses personnes qui bénéficient des soins sans consentement sont également placées sous curatelle ou tutelle (p.94). 

La vision du mandataire est hélas assez restrictive puisque son rôle paraît cantonné à la gestion des biens. Ce serait en effet ce seul aspect de la protection qui justifierait la participation du mandataire à des décisions personnelles. 

La maîtrise de l’argent. Bien que mention soit faite de sa possibilité de saisir le juge des libertés et d’assister aux audiences, le mandataire est avant tout celui qui gère l’argent et ainsi permet ou empêche la réalisation des projets. Ce pouvoir de dire oui ou de dire non, qui peut embarrasser les professionnels eux-mêmes, concrétise et concentre à la fois la protection et met en évidence l’importance de l’argent dans la relation tutélaire (V. Gaillard, Richard. « Janus ou l’argent dans les pratiques tutélaires », Recherches familiales, vol. 1, no. 1, 2004, pp. 95-104). Que l’on veuille sortir, que l’on veuille fumer, il faut que le mandataire le veuille aussi.

Le rapport dénonce d’une part l’absence de certains mandataires lors des hospitalisations et, d’autre part, la pratique, officiellement réprouvée mais néanmoins subsistante, d’imposer la constitution d’une épargne malgré des ressources modiques (en curatelle, on pourra s’interroger – encore – sur l’effectivité de l’article 472 du code civil qui impose au curateur de laisser à disposition ou de remettre à la personne protégée l’excédent de ses revenus -). L’organisation de services permettant la remise d’espèces est par ailleurs une nécessité rappelée très justement par la Contrôleure.

Le gouvernement de la personne. Sur les droits des patients et la recherche du consentement aux soins, qui doit être reprise à chaque entretien (p. 130 et s.), on peut regretter que le rapport n’ait pu être l’occasion de présenter le nouveau régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique (issu de l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 et qui devrait s’appliquer au plus tard le 1er octobre 2020). 

On peut surtout regretter que soit généralisé ce qui ressort (devrait ressortir ?) de l’exception. Le tuteur, et encore moins le curateur, ne consent pas par principe aux soins quand une mesure existe, pas plus à la sismothérapie (thérapie électro-convulsive) qu’à aucun autre traitement : cela ne se peut que si le juge l’a préalablement et spécialement autorisé (C. civ., art. 459, al. 2), ce qui est le droit en vigueur depuis… 2007.

L’occasion de montrer la dimension personnelle de la protection est manquée alors que le mandataire a le devoir de contribuer à l’information sur les droits (C. civ., art. 457-1) et que c’est même sa mission première (parfois même la seule, tant elle est essentielle -) quand il est chargé de la protection de la personne.

Expliquer la loi pour l’appliquer. N’est-ce pas l’occasion d’ouvrir encore, et inlassablement, de nouveaux espaces de dialogue et l’occasion, encore, de parler de la protection telle qu’elle est et telle qu’elle pourrait être, aussi, « dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité » (C. civ., art. 415).